Malgré la désapprobation ferme du gouvernement congolais, la rébellion de l’AFC/M23 poursuit la mise en place d’un appareil judiciaire parallèle dans les zones qu’elle contrôle à l’Est de la RDC. Le mouvement vient d’annoncer l’intégration de 378 nouveaux magistrats au sein de sa Commission de relance de la justice, une initiative qui accentue le bras de fer institutionnel avec Kinshasa.
Cette décision fait suite au test d’évaluation organisé le 14 septembre 2025 à Goma. Selon le procès-verbal signé par le panel chargé du dépouillement et de la correction, la sélection s’est déroulée dans le respect des principes d’objectivité. Les copies auraient été corrigées de manière anonyme afin d’assurer l’équité et l’impartialité du processus, d’après le mouvement rebelle.
Sur 475 candidatures déposées, 465 ont été jugées recevables, et 378 candidats ont été retenus, dont 18 femmes (4,8 %) et 360 hommes (95,2 %), révélant une faible représentation féminine au sein du corps judiciaire de la rébellion.
La lecture officielle de la liste des lauréats a été faite par Delion Kimbulungu, secrétaire permanent adjoint de l’AFC/M23, en présence de plusieurs cadres du mouvement, d’enseignants de l’Université de Goma et de représentants de la société civile. Deux grandes valves d’affichage ont été installées dans l’enceinte de la CRJ à Goma pour présenter les noms des nouveaux magistrats.
Selon le mouvement, il s’agit d’« une étape décisive dans la reconstruction d’une justice crédible, professionnelle et proche du peuple ». Des sources proches de la direction indiquent que la nomination des hauts magistrats et l’affectation des juges dans les juridictions de l’ordre judiciaire interviendront dans les prochains jours.
Parallèlement, plus de 200 nouveaux avocats ont prêté serment le vendredi 31 octobre 2025 à Beni, chef-lieu provisoire du Nord-Kivu. Les anciens avocats en ont profité pour renouveler leur serment. Cette cérémonie, initialement prévue pour le 22 février dernier à Goma, avait été reportée après la prise de la ville par les rebelles fin janvier 2025.
Face à ces initiatives, les autorités congolaises ont réagi en annulant tous les actes judiciaires pris par la rébellion dans les zones sous son contrôle.
Le président de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, Dieudonné Kamuleta, a rappelé dans un communiqué daté du 12 septembre 2025 que la Constitution et les lois organiques de la République démocratique du Congo confèrent exclusivement au Conseil supérieur de la magistrature la compétence de recruter et de gérer les magistrats sur tout le territoire national. Toute tentative parallèle est donc, selon lui, « nulle et de nul effet ».
Le ministre de la Justice, Guillaume Ngefa, a dénoncé ce qu’il qualifie de tentative de légitimation institutionnelle par la rébellion et a promis la signature imminente d’une ordonnance présidentielle annulant toutes les décisions judiciaires de l’AFC/M23, qu’il accuse de chercher avant tout à obtenir une reconnaissance et une amnistie politique.
